Après des années de débats houleux, la Loi sur la santé de la reproduction a été approuvée par les députés philippins lundi soir.
Elle n'attend plus que la signature du président Benigno Aquino pour entrer en application.
La loi prévoit la mise à disposition de contraceptifs gratuits (préservatifs et pilules) au sein des centres de santé gouvernementaux à travers tout le pays, la mise en place de cours d'éducation sexuelle dans les écoles et une formation à la limitation des naissances pour le personnel de santé des établissements publics.
Mais la hiérarchie catholique n'a pas déposé les armes.
Elle a promis d'en appeler à la Cour suprême pour obtenir l'annulation de ces mesures et de mener campagne auprès des fidèles pour qu'ils votent contre les députés ayant approuvé la loi lors des prochaines élections.
L'évêque Gabriel Reyes a indiqué que l'Eglise allait pousser ses ouailles à ignorer la loi.
"Nous dirons aux catholiques : "Même si vous recevez des contraceptifs gratuitement, ne les utilisez pas", a-t-il déclaré à la presse, ajoutant que des avocats catholiques allaient contester la mesure auprès de la Cour suprême Air Rift.
La contraception est déjà légale aux Philippines, mais son co?t la rend hors de portée des gens les plus pauvres, notamment dans les campagne et les bidonvilles.
Le gouvernement et le président estiment que cette loi freinera la hausse de la population de ce pays pauvre d'Asie du sud-est, et réduira la pauvreté et la mortalité maternelle, élevée.
"Les gens ont désormais le gouvernement à leurs c?tés pour élever leur famille d'une manière qui est juste et qui leur donne de la force", a déclaré Benigno Aquino.
L'?glise catholique maintient une très grande influence sur cette ancienne colonie espagnole d'une centaine de millions d'habitants, dont 80% sont catholiques : le divorce et l'avortement y sont interdits
Témoignage
A ceux qui, comme moi, ne comprennent pas la position de l'?glise catholique sur la contraception, comme à ceux qui la défendent, je conseille de lire ce témoignage du père Bouchaud, Fils de la Charité.
Il avait été publié par La Croix en avril 2009.
Remarquable, bouleversant d'humanité et tellement pertinent.
Cliquer
Ou lire ci-dessous :
"Quand on vit au milieu des pauvres"
"Comme supérieur général puis délégué international de ma congrégation, j’ai visité plusieurs fois tous les pays d’Amérique latine et un bon nombre de pays d’Afrique. En fidélité à la mission des Fils de la Charité, j’y ai été particulièrement attentif à la vie et aux problèmes des zones urbaines les plus pauvres.
"Puis, pendant huit ans, j’ai partagé la vie des habitants d’un bidonville de Mexico ; pendant trois ans, celle du ghetto de Chicago ; pendant un an, celle d’un quartier très populaire de Brazzaville, en Afrique, et, pendant treize ans, celle d’un bidonville de Manille, en Asie.
"Dans un continent ou un autre, j’ai animé plus de cent semaines de retraites de prêtres. J’y ai re?u beaucoup de confidences… Aujourd’hui, j’ai 86 ans.
"Que ce que je crois devoir dire n’apparaisse surtout pas comme un ensemble d’idées ou de théories, mais comme un devoir de conscience : la description de la réalité, telle qu’elle s’est, peu à peu, imposée à moi.
"Cette réalité, c’est que les directives actuelles de notre ?glise, sur le terrain de la procréation, chargent les plus pauvres de notre monde de cha TN Requin?nes qui aggravent leur misère et contribuent à augmenter le nombre des humains vivant de manière inhumaine.
"L'?glise contribue à enfermer les pauvres dans le cycle de la surnatalité.
"Nulle part, dans ces immenses zones pauvres que j’ai d’abord visitées et auxquelles ensuite j’ai appartenu, je n’ai vu les méthodes Billings, préconisées par les responsables de notre ?glise, faire preuve de quelque efficacité.
"Elles sont trop compliquées. Elles supposent une possibilité d’organiser la vie qui est totalement inaccessible à la culture des pauvres.
"Elles sont pensées et expérimentées dans un monde qui n’est pas celui des pauvres. En imposant, comme seules solutions permises, des solutions qui leur sont inaccessibles et en interdisant les autres, l’?glise contribue à enfermer les pauvres dans le cycle de la surnatalité.
"Pendant les douze ans au cours desquels j’ai vécu dans le bidonville de Laura à Manille (Philippines), j’ai vu la population de cette ville passer de 7 millions à plus de 13 millions… et le nombre des habitants vivant en bidonville passer de 4 à 7 millions.
"J’ai vu un petit village de quelques centaines d’habitants, Bagong Silang, près de Manille, devenir une zone de 350 000 pauvres.
"J’ai vu plus de 7 millions d’hommes et de femmes partir travailler à l’étranger et donc abandonner leurs familles pour les sauver de l’extrême pauvreté.
"J’ai vu des millions d’enfants s’entasser dans des taudis, assurés, presque tous, d’un avenir de misère.
"J’ai vu à Manille, comme à Mexico, comme à Brazzaville et ailleurs, des masses de jeunes, généreux et ouverts dans leur enfance, devenir peu à peu membres de ? gangs ?, parce qu’ils vivent sans espace, sans travail et sans espérance.
"J’ai senti la révolte gronder en moi
"Bien souvent, dans divers pays, j’ai senti la révolte gronder en moi, quand des parents de huit ou dix enfants, vivant dans l’affreuse misère de leur taudis, parfois avec un seul repas par jour (et quel repas !), me disaient en parlant du nombre de leurs enfants : ? Nous sommes catholiques. C’est l’?glise qui le veut… ?
"Quand ces enfants seront adultes, comment n’auront-ils pas le désir de rejeter cette ?glise coupable, à leurs yeux, de la misère de leur enfance ?
"Comment peut-on présenter l’interdiction du préservatif au nom de la dignité de la vie, alors que des milliers de f?tus vont chaque jour à la poubelle dans tous les coins du monde ou sont enterrés comme des petits animaux, dans un quelconque recoin de terrain, par des parents qui aiment leurs enfants, mais sont écrasés par l’impossibilité d’éduquer et même de nourrir leurs trop nombreux autres enfants déjà nés ?
"Les vies de ces enfants, victimes de l’impossibilité dans laquelle se trouvent leurs parents de les faire vivre, sont-elles donc moins sacrées que celles des enfants possibles des gens ? cultivés ?, capables de déchiffrer les messages des méthodes Billings pour choisir, librement, de les faire na?tre ?
"Quand on vit au milieu des pauvres, comment leur expliquer ce qui appara?t comme les choix de notre ?glise à ce sujet ? Moi, je n’ai pas pu… Je ne peux pas… J’aurais l’impression de trahir un message essentiel de Jésus.
"Le malade a besoin de ne pas se sentir rejeté comme un pestiféré.
"J’ai découvert aussi une autre réalité dramatique : les malades du sida. Ils sont des millions dans le monde. La plupart d’entre eux sont jeunes, mariés, avec des enfants en bas ?ge.
"De toute évidence, la grande force, pour ne pas être détruit par cette affreuse maladie, c’est un redoublement d’amour et de foi.
"Les risques de contagion interdisent à ces malades des rapports conjugaux normaux. Or, certains responsables dans l’?glise affirment qu’en conséquence ils doivent vivre ? comme frère et s?ur ? avec leur conjoint.
"Pourtant, dans ces moments de grande souffrance morale, le couple a particulièrement besoin de partage sexuel pour fortifier son amour.
"Le malade a besoin de ne pas se sentir rejeté comme un pestiféré, privé jusqu’à la mort de cette manifestation primordiale d’amour par celui ou celle qui l’aime et qui aura, de surcro?t, à prendre la responsabilité de se refuser à lui ou à elle.
"? ceux qui vivent ce drame, je ne peux pas dire au nom de Jésus que l’interdiction du préservatif doit passer avant un amour à sauver pour un ? condamné à mort ?.
"Non ! Je ne le peux pas, parce que je suis s?r qu’aujourd’hui Jésus ne dirait pas cela.
"Dans ce domaine de la morale sexuelle, nous n’avons pas avancé.
"Je suis navré de constater que, dans ce domaine de la morale sexuelle, nous n’avons pas avancé depuis le Concile, et que nous avons même reculé.
"En effet, quand, jeune prêtre, je continuais mes études en théologie à l’Institut catholique de Paris, on m’a enseigné que chaque famille devait avoir le nombre d’enfants qu’elle estimait, en conscience, pouvoir élever et éduquer dignement.
"Je trouvais là une fidélité à l’esprit de Jésus, que je ne retrouve plus dans l’abondance et la surabondance des barrières et des mises en garde actuelles.
"Notre morale, spécialement en ce domaine de la morale sexuelle, ne s’est-elle pas égarée en se basant sur certaines conceptions philosophiques discutables, beaucoup plus que sur l’agir et l’enseignement de Jésus ? Je crois, pour ma part, cette question capitale.
"La préoccupation essentielle de Jésus, face aux personnes en situation difficile sur le plan sexuel, n’est pas de les obliger à prendre tel ou tel chemin.
"Non : c’est de les aider à retrouver leur responsabilité personnelle, dans la situation où ils sont.
"Face à la Samaritaine aux cinq maris successifs, face à la femme adultère condamnée à mort par les autorités religieuses, face à Marie Magdeleine écrasée par son passé, Jésus ne condamne pas.
"Il ne brandit aucune obligation. Il leur prouve son amour : il les invite à se relever.
"Il ne leur donne même pas de conseils : il leur donne de chercher et de choisir, par elles-mêmes, les chemins pour changer leurs vies.
"Il les fait rena?tre à la liberté.
"Il leur fait retrouver leur dignité d’êtres responsables.
"Il les remet dans le face-à-face avec Dieu, au c?ur de leur vraie vie.
Une Bonne Nouvelle accessible à tous
"Ne sommes-nous pas, aujourd’hui, en train d’oublier ou de travestir ce message fondamental de Jésus ?
"Et de perdre, en conséquence, la confiance des jeunes ?
"Chaque foyer devrait se poser librement des questions de cet ordre : en conscience, tels que nous sommes tous deux avec notre santé Nike Ninja, notre situation, notre assurance pour l’avenir et pour les croyants, notre foi en l’aide de Dieu, combien d’enfants pouvons-nous éduquer dignement ?
"Comment organiser notre vie affective et sexuelle, et comment y limiter les naissances, pour réaliser au mieux cette mission que Dieu confie à notre foyer ?
"Cette responsabilité vécue porterait, en elle-même, son cachet divin.
"Ce serait, enfin, sur le terrain de la sexualité et de la procréation, une Bonne Nouvelle accessible à tous.
"Car, si les pauvres sont dans l’incapacité de comprendre et d’obéir aux méthodes Billings et autres, ils savent aussi bien – et souvent mieux – que les nantis décider par amour, vivre pour l’amour, et partager un magnifique amour.
"Et à vous, frères spécialistes de la planification des naissances et de la morale conjugale dans notre ?glise, j’ose proposer ceci : venez partager, pendant quelques mois, la vie des pauvres dans l’un des innombrables bidonvilles de notre monde.
"Oubliez votre passé, votre culture, vos idées. Venez-y seulement avec votre ?vangile. Et regardez, écoutez, dialoguez, méditez, priez.
"Cherchez loyalement et librement à découvrir ce que Jésus dirait et ferait, s’il était à notre place… en répétant sans cesse les paroles lumineuses qu’il continue de nous adresser : ? Tout ce que vous faites aux plus petits des miens, c’est à moi que vous le faites. ?
"Et en nous interrogeant tous, le chrétien de base comme le pape, sur cette question fondamentale de notre foi : que dirait et que ferait Jésus, s’il vivait aujourd’hui ?"
P. BOUCHAUD, Fils de la Charité.